IRLANDE : « NOUS DOUBLONS NOTRE PRODUCTION EN TROIS ANS »
Installés en plein coeur laitier du sud de l'Irlande, les frères Dunne ont investi plus de un million d'euros en quatre ans pour atteindre deux millions de litres sans embaucher de salarié.
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CELA FAISAIT TRENTE ANS QUE TOM ET MIKE DUNNE attendaient cela : à 50 et 48 ans respectivement, les deux frères associés sont aujourd'hui dans les starting-blocks pour faire bondir leur production à partir d'avril 2015. Installés au milieu des années 1980 sur l'exploitation familiale à Kilworth, dans le comté de Cork, ils se sont toujours sentis bridés par les quotas. « Notre objectif est de doubler notre quota et de livrer deux millions de litres à notre coopérative », affirme posément Tom. Dairy Gold, qui a investi massivement dans ses capacités de transformation depuis trois ans, leur a promis de prendre tout le lait qu'ils pourront livrer, à condition qu'ils fournissent des prévisions de production un an à l'avance.
« MON FRÈRE ET MOI, NOUS POUVONS GÉRER 400 VACHES »
« On attend une augmentation de 63 % du lait produit par les membres de Dairy Gold d'ici à 2020, dont 25 % cette année », rapporte Tom. Au-delà de 100 tonnes d'augmentation, la coopérative déduira 4 €/t des chèques payés aux producteurs pour l'achat de nouvelles parts, mais un mécanisme prévoit de reporter cette ponction si le prix descend en dessous de 300 €/t, notamment cette année. Depuis 2013 et pour cinq ans, Dairy Gold ponctionne également un demi-centime par litre et par mois au titre d'un emprunt pour ses investissements, qui sera remboursé avec intérêts aux éleveurs après huit ans.
Un tel bond en avant se prépare : de 260 vaches début 2013, les Dunne possèdent 340 bêtes prêtes à vêler ce printemps et prévoient de continuer à conserver des génisses pour passer à 360 en 2016, puis 400 en régime de croisière.
Pour héberger ces nouvelles venues, ils négocient la location de 30 ha de prairies supplémentaires auprès d'une cousine. Leur objectif est de conclure un bail de cinq à dix ans pour un loyer annuel de 500-600 €/ha. Ces terres situées à quelques kilomètres accueilleront les jeunes animaux et donneront plus de flexibilité à l'exploitation pour l'ensilage et l'épandage. Les vaches en lactation pourront alors brouter l'intégralité des terres en propriété : près de 150 ha d'un seul tenant autour des bâtiments d'élevage, un privilège rare dans un pays au foncier historiquement morcelé.
« LE TAUX D'OCCUPATION DES SOLS EST AU MAXIMUM »
« Nous aurons alors le taux d'occupation maximum sur la surface disponible pour l'épandage du lisier, avec 240 kg d'azote par hectare », calcule Tom. Déjà bénéficiaires de dérogations grâce à leurs 100 % de prairies permanentes, les Dunne ne peuvent pas dépasser 250 kg par hectare.
En fixant leurs objectifs, ils ont également pensé à l'organisation du travail. « Mon frère et moi pouvons gérer 400 vaches avec un stagiaire au moment des vêlages de printemps. Au-delà, ce serait un autre modèle », explique Tom. Donal Murphy, étudiant dans l'enseignement agricole, effectue actuellement un stage de trois mois et demi sur l'exploitation. Avec 240 vêlages concentrés sur les trois premières semaines de mars, il est certain d'acquérir une bonne expérience !
Le troupeau à majorité génétique rouge norvégienne, permet aux Dunne de laisser la plupart de leurs vaches mettre bas sans assistance, ce qui réduit le besoin de main-d'oeuvre. « Si nous avions des holsteins, il nous faudrait une autre personne, voire deux pour gérer les vêlages », estime Mike.
À partir d'avril, l'outil qui va vraiment faire la différence sur le compte des heures de travail se cache au coeur d'un nouveau bâtiment construit début 2014 : un roto de 60 places flambant neuf permet à une personne seule de traire les 340 vaches du troupeau actuel en à peine plus d'une heure.
« NOUS N'ACHÈTERONS PAS DE TERRES AU COURS DES CINQ PROCHAINES ANNÉES »
La construction et l'équipement ont coûté 640 000 €, dont un demi-million d'euros empruntés. Si l'on y ajoute les prêts précédents, les Dunne ont aujourd'hui 700 000 € de dettes, dont les annuités s'étalent jusqu'à fin 2020. Cette réalité plaide elle aussi pour une expansion sans acquisition de foncier : « Nous ne voulons pas acheter de nouvelles terres au cours des cinq prochaines années tant que nous n'avons pas tout remboursé », explique Mike, avant d'ajouter avec un sourire : « Le problème, c'est qu'elles ne sont jamais mises en vente au bon moment ! »
Depuis quatre générations, la famille a plutôt eu de la chance. « Mon grand-père a acheté cette ferme en 1875, raconte Michael, le père de Tom et Mike. Elle faisait 41 acres. » « Quinze hectares », traduit Tom. Depuis, des opportunités d'achat se sont présentées auprès de voisins sans héritiers. Les détails de toutes les transactions sont gravés dans la mémoire de Michael. Aujourd'hui cerné par des voisins éleveurs laitiers eux aussi en pleine expansion, Tom sait qu'il devra ajouter un jour une exploitation séparée à l'entreprise s'il veut y accueillir son fils, qui vient de commencer ses études agricoles.
Soulagés de pouvoir enfin se développer, les Dunne accueillent à bras ouverts la fin des quotas et rejettent en bloc les suggestions d'éleveurs plus frileux qui voudraient maintenir une régulation de la production en cas de chute des prix. « Il faut accepter de vivre dans le monde réel : en 2009, nous avons connu une crise terrible alors que nous avions les quotas. Les restrictions ne vous donneront jamais un meilleur prix », affirme Tom.
Pour lui, les quotas ne protègent plus les producteurs depuis les années 1990. « Ces dernières années, nous avons dû supporter les quotas et en même temps la volatilité des prix. C'est le pire scénario possible. »
THOMAS HUBERT
Le roto de 60 postes a coûté 640 000 €, bâtiment compris. « Un gros investissement, mais raisonnable si l'on considère le montant par poste », estiment Tom et Mike Dunne.
Mike Dunne.
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